Mise en demeure de la France pour non-transposition de la Directive de l’UE sur la « Carte Bleue Européenne »
Le 20 octobre 2021, l’Union européenne adoptait la Directive (EU) n°2021/1883, dites « Carte Bleue Européenne » visant à assouplir ses conditions d’éligibilité pour favoriser la mobilité des salariés hautement qualifiés. La transposition de celle-ci par les États membres était prévue pour au plus tard le 18 novembre 2023.
La France, comme 16 autres pays1, n’a toujours pas procédé à la transposition de cette directive, bien que la date d’échéance soit dépassée.
Quelles sont les conséquences de cette non-transposition ? Quels seront les impacts de la Directive sur les procédures de délivrance de ce titre ? ITAMA vous répond dans cet article !
Les conséquences de cette non-transposition
Face à l’absence d’intégration de cette Directive dans la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », la Commission européenne a émis une mise en demeure envers la France dans une communication du 25 janvier.
Les autorités ont désormais deux mois pour répondre et effectuer la transposition, afin d’éviter la réception d’un avis motivé de la part de la Commission Européenne et, si absence de réponse, une éventuelle action devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
En raison de cette absence de transposition, les dispositions précises claires et inconditionnelles de la Directive, ne faisant pas appel à des mesures complémentaires de nature nationale ou européenne, ont un effet direct en droit français depuis le 19 novembre 2023.
Les particuliers peuvent donc directement invoquer ces dispositions, par exemple lors de leurs demandes de titre de séjour « Talent – Carte bleue européenne » déposées auprès des autorités consulaires ou préfectorales.
Les critères d’éligibilité actuels pour le statut « Talent – Carte bleue européenne »
Actuellement, les critères d’éligibilité pour le statut « Talent – Carte bleue européenne », selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA), sont les suivants :
- être titulaire d’un diplôme universitaire de 3 ans d’études supérieures, ou avoir au moins 5 ans d’expérience professionnelle du même niveau,
- signer un contrat de travail français d’au moins 1 an,
- avoir une rémunération annuelle brute d’au moins 53 836,50 euros. Un nouveau Décret en Conseil d’État est attendu pour cette condition de rémunération.
Aussi, le CESEDA facilite la mobilité intra-européenne pour les étrangers qui justifient d’au moins 18 mois de séjour dans un autre État membre de l’Union européenne sous ce statut. Cependant, la dématérialisation des demandes de titre de séjour « Talent » pose des défis pratiques à cette facilitation.
Les impacts de la Directive sur la délivrance de la carte bleue européenne
La Directive vise à assouplir certaines conditions d’octroi du statut en :
- réduisant la durée minimale requise pour le contrat (ou promesse d’embauche ferme) de 12 à 6 mois (article 5),
- fixant un seuil de rémunération après consultation des partenaires sociaux, ne dépassant pas 1,6 fois le salaire annuel brut moyen en France (article 5),
- prévoyant la délivrance du titre de séjour pour une durée minimale de 24 mois ou équivalente à la durée du contrat si inférieure à 24 mois (article 9),
- autorisant la mobilité intra-européenne à partir de 12 mois de séjour légal au lieu de 18 (article 21).
Cependant, certaines dispositions de la Directive semblent moins favorables que celles prévues en droit français, notamment la possibilité pour un État membre de rejeter une demande de carte bleue européenne après vérification de la situation du marché du travail.
En effet les autorités pourraient conclure, par exemple si le taux de chômage du pays est élevé, « que le poste vacant concerné peut être pourvu par de la main-d’œuvre nationale ou de l’Union, ou par des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour régulier dans l’État membre et qui font déjà partie du marché du travail ».
Conclusion
En conclusion, l’absence de transposition de la Directive sur la « carte bleue européenne » en droit français a conduit la Commission européenne à mettre en demeure la France et d’autres pays. La date d’échéance étant toutefois dépassée, les particuliers peuvent déjà se prévaloir de certaines dispositions de la Directive en droit français.
Il reste à voir comment la France réagira à cette mise en demeure dans les semaines à venir, et quel impact cela aura sur la mise en œuvre pratique de la « carte bleue européenne » et la mobilité des travailleurs qualifiés au sein de l’Union européenne.
[1] La Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, l’Espagne, la Croatie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande et la Suède.